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Lyon, Bordeaux, Toulouse… le point sur les manifestations des « gilets jaunes » en régions

 

Le Monde

De Toulouse à Nantes, en passant par Marseille ou Lyon, des milliers de personnes ont manifesté en France, samedi 8 décembre, pour la quatrième journée de mobilisation des « gilets jaunes ».

Dans la cité phocéenne, environ 2 000 personnes ont défilé dans le calme ; à la mi-journée, ils étaient massés devant la préfecture, où une délégation de « gilets jaunes » a été reçue. Au mégaphone, les manifestants se sont relayés ; l’un criait « abolition des privilèges, le pouvoir au peuple ! » quand un autre a appelé les gendarmes à les rejoindre : « Peuple marseillais, on a fait une démonstration de force, sans casseurs, pacifiquement. On a gagné. C’est nous qui nous levons à 4 heures, à 5 heures, pour faire marcher la France » Une voix dans la foule : « C’est nous qu’on va arrêter de faire marcher la France ! »

Le cortège a sillonné le centre de Marseille sans incident. Sur son passage, des policiers en civil multipliaient les contrôles et les fouilles, notamment des plus jeunes, peu nombreux dans les rangs des « gilets jaunes ». Certains « gilets jaunes » ont rejoint une manifestation pour le climat qui a réuni 10 000 personnes.

En fin de journée, des incidents ont éclaté, opposant des groupes « gilets jaunes » aux policiers. « Quarante-six personnes, dont 42 à Marseille », ont été interpellées dans les Bouches-du-Rhône, a annoncé la préfecture de police. Les débordements se sont concentrés au Vieux-Port et sur la Canebière, où une voiture a été incendiée et la boutique de l’OM pillée. Le calme est revenu en soirée.

A Lyon, après une matinée à la fois animée et calme, après la marche pour le climat rassemblant plus de 7 000 personnes selon la préfecture, sans incident, la situation a changé en début d’après-midi. « Urgence sociale, urgence climatique » scandait le cortège dans un climat festif le matin avant que la marche pour le climat ne commence à se disperser.

Les quelque 600 « gilets jaunes » qui voulaient rester ensemble ont commencé à parcourir des rues du centre-ville par groupes fractionnés et de manière désordonnée. Dans l’après-midi, des incidents sérieux ont éclaté rue de la Barre, près de la place Bellecour, avec des envois de projectiles, des tirs de lacrymogènes et charges des forces de l’ordre. Un cordon de policiers était pris entre deux mouvements de foule. La police, très mobile, a interpellé 21 personnes après des incidents avec des « gilets jaunes » et des jeunes. Deux personnes ont été blessées.

À Bordeaux comme chaque semaine, la manifestation avait débuté dans le calme et la bonne humeur. Les « gilets jaunes », encore plus nombreux cette semaine, ont déambulé dans le centre ville, qui avait fermé ses portes. Les commerçants avaient préféré tiré leurs rideaux de fer. Pourtant, à l’approche de l’emblématique place Pey-Berlan, qui abrite l’hôtel de ville, théâtre des affrontements de la semaine dernière, la tension est tout de suite montée d’un cran. Les CRS postés ont immédiatement voulu repousser les manifestants qui ne montraient pas de signe d’affrontements, à haute dose de grenades lacrymogènes. Si nombreux ont fait demi tour, beaucoup de « gilets jaunes » étaient équipés de masques et lunettes de protection. Ils ont réussi à rester sur place.

Les affrontements ont alterné entre jets de Flash-Ball et grenades lacrymogènes, que les manifestants relançaient ensuite sur les forces de l’ordre. Des face-à-face interminables, dans une fumée épaisse et indigeste. Dès le milieu d’après-midi, des blessés étaient évacués, certain gravement touchés. Selon un journaliste de l’Agence France-Presse, des manifestants ont lancé des cocktails Molotov. Un homme jeune a été touché à la main, apparemment arrachée par une grenade. D’autres personnes ont été blessées. Une dizaine de personnes ont été interpellées, selon une source bien informée à Bordeaux, où la préfecture n’avait pas encore communiqué.

A Lille, dès 14 heures, la manifestation des « gilets jaunes » a quitté la place de la République avec, dans ses rangs, des Nordistes plus motivés que jamais. Pour cette quatrième manifestation lilloise, un bon millier de « gilets jaunes » ont sillonné les rues du centre-ville avec, cette fois-ci, un point de convergence avec l’autre manifestation de ce samedi, celle pour le climat. « L’écologie, c’est important pour beaucoup d’entre nous, explique Alison Hubert, une des organisatrices de l’événement. Il y a des mesures à mettre en place d’urgence : la réduction des emballages, taxer le kérosène, favoriser le circuit court, etc. »

Leonard et Audrey, 25 ans, conseiller en insertion professionnelle et masseuse kiné en libéral, sont venus avec une pancarte mi-jaune mi-verte. Leur slogan : « Gilet jaune pour les hommes et la transition économique, gilet vert pour la planète et la transition écologique. » Leur choix s’est porté sur la manif des « gilets jaunes » « parce que ce n’est pas avec leurs taxes à deux balles qu’on va sauver la planète », disent-ils. Le couple avait voté pour La France insoumise, « pas pour Mélenchon, ce n’est pas pareil », et « s’attendait au pire avec Macron mais là il bat des records ! »

S’il n’y a pas eu d’incidents, le cortège a vécu plusieurs moments de fortes tensions. Certains « gilets jaunes », quelques lycéens et ultras ont essayé de se frotter aux forces de l’ordre. Selon la préfecture du Nord, au moins 3 000 personnes ont pris part à la marche pour le climat et environ 1 500 à la manifestation des « gilets jaunes ».

Nantes : tensions autour de la préfecture

A Nantes, en Loire-Atlantique, des manifestants se sont rassemblés devant la préfecture, dans l’après-midi, pour rejouer la scène des lycéens interpellés à Mantes-la-Jolie, jeudi soir. « Dans moins de dix minutes, ça pète », pronostiquait une voix dans la foule alors que des hélicoptères de surveillance tournoyaient dans le ciel et que des nuages de gaz lacrymogène flottaient dans l’air.

Malgré la pluie, près de 3 000 personnes ont manifesté dans le centre-ville, où les magasins avaient baissé leur rideau par sécurité au passage du cortège. Les manifestants se mobilisaient à la fois dans le cadre de la marche pour le climat. Certains portaient des brassards verts, et, en plus grand nombre, des personnes étaient vêtues de gilets jaunes.

Au premier rang, des membres du groupe « Nantes révoltée », qui entonnent : « Ça va péter » ; des « Macron démission » sont repris en chœur. La manifestation a été marquée par des jets de projectiles et des dégradations de mobilier urbain. Un policier a été blessé et la vitrine d’un magasin a été dégradée, selon la police.

Treize personnes ont été interpellées, trois manifestants et cinq policiers ont été blessés, au cours d’incidents durant lesquels les forces de l’ordre ont fait usage de la force pour contrer des « tentatives de forcer leurs barrages », a rapporté la préfecture.

A Toulouse, des premiers tirs de gaz lacrymogène ont été constatés en début d’après-midi, alors que de violents affrontements opposaient les forces de l’ordre et des dizaines de manifestants ; des blessés ont été signalés. Les violences se sont intensifiées en queue de cortège après des charges de CRS et la manifestation composite d’écologistes, de « gilets jaunes », de syndicalistes et de lycéens s’est scindée en de nombreux groupes.

Selon la préfecture, quelque 5 500 personnes défilaient dans Toulouse vers 16 h 30, sur les 6 600 recensées en Haute-Garonne. 38 personnes ont été interpellées suite à des violences contre des policiers ou en possession de différentes armes (bombes incendiaires, armes blanches, marteaux, gourdins, liquides inflammables). La préfecture a également fait état de douze blessés, dont quatre policiers. En fin de journée, au moins deux feux de barricades étaient allumés alors qu’un hélicoptère de la gendarmerie survolait la manifestation.

Rennes : manifestations dans le calme

Aucun blocage n’était à signaler, à la mi-journée, dans le centre-ville de Rennes. Dans la matinée, quelques dizaines de « gilets jaunes » ont mené une action devant le dépôt de carburant de Vern-sur-Seiche, à quelques encablures de la capitale bretonne. Ils ont quitté les lieux un peu plus tard. Certains ont regagné l’un de leurs quartiers généraux, à Saint-Grégoire, promettant « d’autres actions » dans les heures à venir. Plusieurs manifestations étaient prévues dans l’après-midi à Rennes.

Une marche pour le climat est partie à 14 heures, tandis qu’un rassemblement pour la réunification de la Bretagne était organisé au même moment. Alors que certains « gilets jaunes » déambulaient, d’aucuns souhaitent une réunion des cortèges. A l’issue de la marche pour le climat, qui s’est déroulée sous très haute surveillance policière (et avec le bourdonnement continu d’un hélicoptère de la gendarmerie en survol), les manifestants se sont dispersés dans le calme.

Narbonne : plus de 1 600 « gilets jaunes » défilent

« Gilets jaunes », agriculteurs, motards, viticulteurs : environ 1 600 personnes, selon la préfecture, venues des quatre coins de l’Aude, manifestaient samedi après-midi dans le centre de Narbonne, où un péage autoroutier avait été incendié et saccagé le week-end dernier.

« Enorme », s’est exclamé Philippe Faugères, porte-parole du groupe de « gilets jaunes » « Carcassonne en colère » venu manifester à Narbonne. Le cortège fait « plus de 500 mètres de long » et se déroule « dans une ambiance très bon enfant, encadré par les forces de l’ordre », a-t-il déclaré, avant de partir à la rencontre du sénateur et du député de la circonscription.

Les manifestants ont convergé à Narbonne et fusionné avec la marche pour le climat, accompagnés d’une centaine de motards et d’une dizaine de tracteurs avec des « remorques pleines de gilets jaunes », a précisé M. Faugères.

Brandissant des drapeaux occitans et tricolores, les manifestants ont fait dévaler un tracteur sur les marches du palais de justice de Narbonne, où un peu plus tôt dans la journée, plusieurs dizaines de personnes s’étaient agenouillées, les mains derrière la nuque, en signe de soutien aux lycéens de Mantes-la-Jolie, a constaté un correspondant de l’AFP. En fin de manifestation, quelques dégradations ont été cependant à déplorer sur une zone commerciale proche du péage de Narbonne Est, le dernier permettant l’accès à la ville.